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«Le Tour a vraiment changé ma vie»

Pour la première fois depuis 16 ans, Thomas Voeckler ne participera pas au Tour de France cet été en tant que coureur. L’ex-cycliste vendéen sera en revanche présent sur les routes de ce Tour 2018, sur la moto de France Télévisions. Nous l’avons rencontré.

Jeune retraité, vous serez au départ de Noirmoutier, en Vendée, le 7 juillet prochain, chez vous, dans votre région…

Oui, c’est chez moi en effet. J’ai beau être né à Schiltigheim (Bas-Rhin), j’ai passé une grande partie de ma vie à droite à gauche, avant de m’installer à Mouilleron-le-Captif, en Vendée. J’ai intégré à 17 ans la section sport-étude spécialisée en cyclisme de La-Roche-sur-Yon. C’est là que j’ai connu mes premières sensations professionnelles, mais c’est en Martinique où mes parents, mon frère et moi avons vécu quelques années, que j’ai découvert le cyclisme. Depuis très jeune, j’ai le vélo dans la peau !
 

Des souvenirs de votre parcours sur le Tour, vous devez en avoir beaucoup… Pourriez-vous nous en citer deux ?

C’est trop difficile, j’ai tellement de bons souvenirs, même les mauvais d’ailleurs je les apprécie : en 2009, j’ai chuté lors de la 6e étape, j’y ai laissé ma clavicule (rires). Je parlerais de l’édition 2004 pendant laquelle j’ai porté le maillot jaune pendant dix jours. Certains me prenaient pour un extra-terrestre inconscient qui se grillait pour la suite du Tour, d’autres pour une anomalie sportive, comme si porter la tunique jaune pendant aussi longtemps pouvait être le fruit du hasard... En 2011, j’ai terminé à la 4e place du général, avec une étape qui restera gravée : dans le col du Galibier, je me suis arraché pour conserver mon maillot jaune pour seulement 15 secondes sur Andy Schleck.
 

Ce jour-là, la Une du journal l’Équipe est restée célèbre : "Un jour de rêve". Le rêve s’est poursuivi de longues années, et aujourd’hui, de quoi rêvez-vous pour le Tour ?

D’un éternel recommencement. Sur le Tour, tout le monde peut prendre sa chance, décider de son destin. Rien n’est établi à l’avance, les coureurs partent sur la même ligne. Le vainqueur de la veille n'est pas forcément celui du lendemain. Pendant 15 éditions du Tour de France, j’ai vu ce que cela nécessitait comme sacrifices d’être physiquement prêt, affûté. Maintenant, je serai de l’autre côté de la course, je pourrai aussi apprécier les coulisses, les paysages traversés, les choses auxquelles on ne fait pas attention lorsqu’on a les deux mains sur le guidon. Mon histoire sportive, et sans doute mon histoire tout court, est intimement liée au Tour de France. Je suis aujourd’hui vraiment content d’être ambassadeur du Grand Départ dans les Pays de la Loire, ma région d’adoption.
 

Parlez-nous de cette édition 2018…

Déjà, c’est un des parcours les plus courts de l’histoire, donc on peut imaginer qu’il sera animé, car certaines étapes promises aux sprinteurs pourraient bien voir des baroudeurs, des solitaires franchir la ligne en vainqueur, et pourquoi pas dès le début de l’édition, sur les deux premiers jour, et le quatrième au départ de La Baule… En tous cas, il y a aura du mouvement, notamment avec l’équipe locale de Jean-René Bernaudeau, Direct Energie. On peut leur faire confiance, ils vont montrer le maillot…
 

Avez-vous une étape à cocher en particulier, dès le début de ce Tour, en Pays de la Loire ?

Le contre-la-montre de Cholet est un moment crucial. Déjà, pour les spectateurs, c’est plutôt atypique car le matériel est différent, la course en ligne est toujours sympathique à voir. Et pour les connaisseurs, le fait que les équipes soient passées de neuf à huit coureurs va changer pas mal de choses. Avant, les équipes étaient constituées d’un rouleur qui donnait tout dans ce type d’étape et qui, sur les autres parcours, se relevait et s’économisait. Là, ce n’est plus pareil : aucun des huit coureurs ne l’équipe ne voudra se sacrifier et laisser trop d’énergie dans ce type d’étape, et pourtant, il faudra y aller ! Le maillot jaune pourra se jouer dès Cholet.
 

Vous connaissez bien les routes régionales, n’est-ce pas ?

Oh oui, par cœur même ! Lorsque j’étais cycliste amateur dans l’équipe Vendée U en 1999, je parcourais déjà la Vendée, quasiment tous les jours. J’aimais bien passer le pont à vélo pour aller sur Noirmoutier. Notre région n’a pas beaucoup de relief et apprendre à rouler avec le vent, notamment de la mer, c’est très formateur. Le vent peut être ton ami, comme ton ennemi. Et globalement dans la région, je roule beaucoup, avec mon fils aussi désormais… J’ai une anecdote à vous raconter : un jour, lors d’un entraînement, je me suis arrêté acheter de l’eau dans une boulangerie à Luçon. La vendeuse m’a dit : « Je vous connais vous, vous êtes Richard Virenque ! »
 

Vous rigolez, et pourtant dans le peloton, vous n’êtes pas perçu comme un plaisantin…

Oui, c’est vrai et j’assume. J’avais la réputation d’être un coureur malin comme un singe, de jouer avec mes adversaires, mais pour espérer quelque chose sur les grandes courses et notamment le Tour, il vaut mieux compter sur l’audace et l’ambition que sur la chance. Le physique ne suffit pas, il faut aussi savoir faire du vélo, savoir descendre, avoir conscience des risques... On disait de moi que j’étais un puncheur, ça me correspondait bien. Dans la vie, j’avais envie de tracer ma propre route : j’ai perdu mon père jeune, disparu tragiquement en mer, et j’ai toujours essayé de regarder droit devant moi, le plus loin possible. Je suis resté fidèle à mes principes : la gagne, l’enthousiasme, l’honnêteté, le goût du travail… Tôt ou tard et quel que soit le domaine, on est récompensé.